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Interview d'Agnes Marot. " mon premier jet est un squelette auquel je rajoute de la chair

La première chose qui marque, lorsqu’on se rend sur le blog d’Agnès Marot, c’est son intense activité dans le monde éditorial puisqu’elle cumule à la fois le métier

d’auteure et d’éditrice. Et dans des genres aussi divers que variés. On lui doit par exemple un roman jeunesse fantastique « Le secret des bois noirs », de la fantasy « La couleur de l’aube » aux éditions Armada, mais aussi de la dystopie ( « notes pour un monde meilleur » et « De l’autre côté du mur » aux éditions du chat noir, l’excellent « IRL » aux éditions Gulf Stream).

Dans quelques mois sortira également un roman intitulé « quelques pas de plus » aux éditions Scrinéo et j’ai cru comprendre qu’un nouveau texte était prévu aux éditions Gulf Stream en 2018.

Son blog est également une vraie mine d’or pour tous les auteurs en herbe, ou même confirmés car elle y dispense des conseils sur le monde de l’édition, notamment sur l’écriture. J’encourage vivement tous ceux qui suivent cette page à y jeter un coup d’œil ! http://lesmotsdaelys.blogspot.fr/p/conseils-decriture.html

Mais revenons à nos moutons.

Bonjour Agnès !

Si tu acceptes, j’aimerais que l’on se concentre sur tes « méthodes d’écriture », car le but de ce défi est de montrer qu’il est possible d’écrire un roman complet en tout juste un an. Essayons de décortiquer tes méthodes !

J’ai eu beaucoup de questions des lecteurs sur les idées de ton roman. Est-ce que tes idées t’apparaissent soudainement, comme un flash, ou bien les portes-tu en toi depuis longtemps ? En un mot, peux-tu nous expliquer la genèse de tes livres ?

A. M: Chaque genèse est différente, bien sûr, mais, avec le recul, je pense qu’on peut discerner un schéma général. La toute première idée vient souvent très longtemps à l’avance (six mois à un an avant l’écriture), et peut venir de n’importe où : une conversation, une lecture, un film, un jeu vidéo, une remarque de lecteur en salon, un délire avec les copines, un truc qui m’arrive… Quelque chose fait « tilt » et je me dis : « OK, je sais pas comment, mais j’en ferai un roman un jour. »

Ca tourne comme ça en arrière fond dans ma tête pendant des mois, et petit à petit des idées s’y rajoutent, glanées à droite à gauche dans mon quotidien. Et plus ça va, plus j’y pense sérieusement.

Et un jour, soit parce que je décide de m’y pencher vraiment, soit parce que quelque chose fait « tilt », tout s’emboîte et j’ai soudain une trame. Quand je dis « soudain », c’est vraiment rapide : 15 min dans le métro notées à l’arrache sur mon téléphone, ou 20 min d’insomnie… Ces idées-là me viennent rarement au moment « approprié » J C’est à ce moment-là que, pour la première fois, je pose des mots par écrit : avant, tout se passe dans ma tête.

Je laisse encore passer un peu de temps pendant lequel je peaufine un peu tout ça (dans ma tête toujours), je trouve les noms de mes personnages… A ce moment là je n’écris pas mais j’y pense tout le temps, je commence à entendre les voix de mes personnages, à imaginer des scènes dans ma tête. J’ai un début, un plot central et une fin, et plein d’éléments épars que j’ai plus ou moins ordonnés.

Là, ça veut dire qu’il est temps d’écrire. Et je me lance !

Autre question des participants au challenge. As-tu la fin en tête dès le début du roman ? Ou bien avances-tu « au feeling » ? Es-tu également une adepte des plans ? Ou bien au contraire te laisses-tu guider par ton instinct ?

A. M: J’ai un peu répondu, je pense. J’ai la fin en tête dès le début mais c’est à peu près tout ce que j’ai, donc, j’avance principalement au feeling. En général je planifie le chapitre suivant pendant que j’en écris un. Parfois, arrivée vers un twist important, j’ai besoin de mettre les choses à plat et de planifier quelques chapitres d’avance pour avancer.

Enfin, quand je dis « planifier »… Ca se résume à des choses comme « elle tue le méchant », « elle arrive à tel endroit » ou « badaboum ! ».

Question désormais plus pragmatique, quelle est ta « méthode d’écriture » ? Es-tu du genre à ne te consacrer qu’à un roman pendant quelques mois sans voir les choses autour, ou bien au contraire y vas-tu petit à petit, en te donnant une sorte de « rituel d’écriture » ( nombre de pages, mots par jour…) ? Ou bien as-tu encore une autre méthode ?

A. M: La première, sans hésiter. Quand j’écris, ça me hante, j’y pense tout le temps, j’ai tout le temps envie d’écrire, alors j’avance très vite (et je me fatigue beaucoup). Je m’éclate dans mon monde intérieur. J’ai de la paperasse en retard, je repousse mon boulot (je bosse à mon compte donc j’ai une certaine liberté là-dessus), je sors peu parce que tout me semble du temps perdu sur l’écriture. Comme en ce moment d’ailleurs ^^

Alors à des moments, j’ai besoin de faire des pauses, de reprendre le cours de ma vie et de ne plus penser à l’écriture. J’en ai souvent une ou deux pendant l’écriture du roman, puis de longues semaines (salvatrices, quelque part) une fois que j’ai fini mon premier jet, entre chaque phase de correction.

Je ne suis pas du tout du genre à écrire tous les jours : il m’arrive de passer plusieurs mois sans penser à l’écriture et ça me va très bien.

Possèdes-tu un rythme de travail particulier? Un rituel? Es-tu- plutôt du matin? Du soir? Plus musique ou calme? Travailles-tu chez toi ou dans un endroit " neutre"? Te fixes-tu un nombre de mots? De feuilles? De caractères quotidien? hebdomadaire? Mensuel?

A.M: Pas de rituel mais, par habitude, j’écris souvent chez moi, dans mon espace de travail quotidien. Souvent le matin avant de commencer mon travail (parce que je travaille sur des romans et qu’il m’est difficile de reprendre le mien après m’être plongée dans un autre), mais, naturellement, je suis plus efficace le soir, alors ça dépend. Parfois de la musique adaptée à ma scène, parfois du silence.

Souvent avec mon chat qui ronronne sur mes genoux.

Je n’ai pas d’objectif chiffré mais j’écris en général des chapitres complets (un par demi journée en gros), parce que je veux « accoucher » d’une scène qui me travaille ou m’enthousiasme. Donc j’écris sur des plages de plusieurs heures, jamais quelques minutes. D’où, aussi, le fait que je ne peux pas écrire tous les jours.

Es-tu d’ailleurs pointilleuse pour le premier jet ? Reprends-tu chaque phrase une par une dès le début ou bien écris-tu « sans te retourner » afin de parvenir au bout de ton roman le plus vite, pour reprendre le texte consciencieusement ligne par ligne une fois que le premier jet est terminé ?

A.M: Je relis avant chaque séance ce que j’ai écrit la veille et j’en profite pour corriger un peu mais, globalement, j’écris plutôt sans me retourner. J’ai parfois/souvent des idées pour améliorer le roman au cours d’écriture, qui nécessiteraient une réécriture partielle ; dans ce cas, je les note de côté, je fais comme si je les avais intégrées pour poursuivre mon roman, et je reviens dessus après dans ma première phase de travail.

Car, oui, j’en beaucoup de phases de travail : mon premier jet est un squelette auquel je rajoute de la chair couche après couche de corrections. A la fin, l’histoire est globalement la même mais beaucoup de choses ont changé, et peu de scènes sont parfaitement identiques au premier jet.

Travailles-tu avec des bétas lecteurs ? Le regard extérieur est-il important à tes yeux ? Comment t’y prends-tu lorsque quelqu’un ( beta lecteur / directeur éditorial / correcteur…) te propose une correction ? Es-tu du genre à défendre farouchement ton texte ou bien apprécies-tu en général plutôt bien les remarques ?

A.M: Oh que oui, j’ai besoin d’un œil extérieur parce que c’est quand même super angoissant tout ça ! Moi, j’aime mon texte et je m’éclate, mais est-ce que je suis seule dans mon délire ? Est-ce que j’ai donné assez d’infos au lecteur pour qu’il s’amuse autant que moi ? Pour qu’il comprenne tout ce que je voulais faire ?

Quand on me fait une remarque je considère toujours que si quelqu’un a eu un souci, d’autres en auront aussi. Donc j’essaie de trouver une solution. Quand c’est sur un truc qui me tient à cœur, au lieu de changer ce truc, je vais souvent en changer un autre pour faire en sorte que ce truc soit mieux perçu. Parfois, rarement, je refuse une correction parce que j’estime que c’est subjectif ou que ça va à l’encontre de ce que je veux faire passer dans le roman (ça aide dans ce cas d’avoir plusieurs retours à comparer, pour voir si ça gêne tout le monde ou une seule personne).

Dans tous les cas, je ne trouve pas la solution d’emblée : il faut que je digère et que je remette le nez dans le texte à froid pour me dire « oui, OK, il a raison, ça ne va pas de cette façon. » Dans mes souvenirs, c’est souvent beaucoup plus clair que dans mon texte ! J

Concernant le travail de documentation. Tes romans nécessitent-ils beaucoup de recherches ? Dans ce cas comment t’y prends-tu ? Es-tu entourée d’un « équipe » qui peut répondre à tes questions ? Appelles-tu des spécialistes dans un domaine ou bien fais-tu la majorité de tes recherches sur Internet, aux médiathèques, dans tes lectures ?

A.M: Alors, non, je me débrouille pour ne pas avoir beaucoup de recherches à faire parce que ça m’ennuie et qu’au fond je suis flemmarde. J Je parle surtout des choses que je connais déjà un peu, en général, donc je sais quoi chercher. J’ai parfois besoin de faire de recherches ciblées au cours de l’écriture ; dans ce cas je le fais sur Internet ou bien je demande à un proche (pour les questions scientifiques notamment).

Là encore je glane tout ce que j’ai vu, lu et entendu et, quand j’en ai besoin, je vais me rafraîchir la mémoire ou approfondir un sujet qui m’a interpellée. Toujours par « couches ».

Lis-tu beaucoup et te sers-tu de tes lectures pour améliorer tes propres histoires ? Ou as-tu peur au contraire de l’imprégnation ?

A.M: Bien sûr que je lis beaucoup ! Bon, je triche, c’est mon travail. J’ai beaucoup moins de temps pour des lectures « perso » mais j’essaie de m’en ménager parce que ça me manque.

Je n’ai pas peur de l’imprégnation ; je trouve ça important de savoir ce qui existe déjà et les différentes possibilités pour s’ouvrir l’esprit et penser à des choses qui ne nous seraient pas venues à l’esprit autrement. Dans mes lectures comme dans la vie, je pioche ce qui m’intéresse ; ce n’est pas pour autant que je calque, c’est une façon essentielle de nourrir ma réflexion et de m’inscrire dans une tradition littéraire existante. Ca me semblerait bien prétentieux de prétendre faire autrement !

D’ailleurs, je cite très souvent des lectures et influences dans mes romans, parce que j’aime beaucoup cette notion d’intertextualité : une littérature vivante, qui communique, qui fourmille.

Merci d’avoir répondu à toutes ces questions ! Je rappelle à tous les lecteurs que le blog d’Agnès développe ces points de manière bien plus poussée et je vous encourage de nouveau à aller le consulter !

A.M: Merci à toi pour ton intérêt !


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