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Ecrire? Je n'ai pas le temps


On commence avec un peu de philo de comptoir ! « Ne pas avoir le temps » est une remarque récurrente, je dirais même l’excuse principale que m’évoquent les personnes qui se disent pourtant désireuses de commencer un roman. En discutant avec elles, je me rends généralement compte que le prétexte du manque de temps cache souvent d’autres réalités : « Je n’ai pas envie », « Je ne sais pas par où commencer », « c’est trop difficile…. ». Les plus téméraires et les plus motivés me demandent même combien de temps l’on doit consacrer à l’écriture quotidiennement. Une heure ? Deux heures ? Davantage ? Ma réponse a tendance à les surprendre. « Commencez par une petite vingtaine de minutes » Dès lors, difficile de rétorquer qu’il vous est impossible de consacrer quotidiennement « du temps » à cette tâche.

J’ai bien conscience que la majorité d’entre nous, moi compris, ne sommes pas des professionnels de l’écriture. Nous ne vivons pas de cette activité et devons gérer en plus de notre travail ou de nos études une vie de famille, le linge à laver, la pelouse à tondre, les courses à faire et moult autres activités chronophages. Mais un quart d’heure / vingt minutes, quand même ? Vous devriez bien pouvoir caser ça dans votre agenda quotidien, non ? A votre pause-café par exemple ? Ou bien juste avant de vous coucher ? En rognant quelques minutes sur votre programme télévisuel ?

Je vous vois arriver d’ici.

« Oui mais, en un quart d’heure, je n’ai le temps de rien faire ! »

Ah tiens, voilà de nouveau l’excuse du temps qui revient à l’assaut. Permettez que nous fassions un petit calcul. En règle générale, il faut à un auteur (assez lent comme moi) environ une heure pour écrire 500 mots. Divisons cette heure par trois, vous devriez être capable d’écrire environ 150 mots en un quart d’heure / vingt minutes. Multiplions désormais ces 150 par 30. Nous obtenons 4500 mots par mois. Multiplions de nouveau ces 4500 mots par 12. Nous obtenons 54 000 mots en un an, soit un roman d’environ 250 pages ( « Noir ego » et « enragés » font tous les deux 55 000 mots et pour comparaison, ceux d’Amélie Nothomb en font environ 25 000).

Vous voyez, pas si compliqué en fait.

Bon laissons de côté la partie purement arithmétique car tout ne se passera jamais exactement pareil que sur le papier.

L’intérêt de cette méthode n’est pas tant d’écrire ces 150 mots par jour que de faire l’effort d’entreprendre cette démarche. De vous mettre un coup de pied au derrière et de vous dire : « allez, je m’y mets, même pour cinq minutes ! »

Ah ça y est je vous vois de nouveau arriver.

« Oui mais, il ne va jamais rien sortir de bon avec une plage horaire si courte ! »

Ah bon ? Avez-vous seulement essayé ? Combien de temps estimez-vous nécessaire à un travail de qualité ?

« Oui mais (vous avez remarqué, ça commence toujours par « oui mais ») je n’ai pas d’idée ! »

Comme je le disais précédemment, cette expérience a pour but principal de prendre le temps de la réflexion. D'instaurer progressivement un rythme de travail pour qu'il intègre votre quotidien. Peu importe que vous ayez le plan inscrit dans votre tête de A à Z ou que vous preniez votre plume sans savoir où aller. L’intérêt n’est pas tant d’écrire ces quelques mots par jour que d’amorcer l’entreprise d’écriture ou de réflexion, de mettre le mécanisme en branle. Votre cerveau est le moteur d’une grosse cylindrée qui n’a pas roulé depuis longtemps, dégrippez-le pour le faire ronronner de nouveau !

La première fois que j’ai entrepris cet exercice, je me trouvais en salle de pause de mon boulot et disposais d’une demi-heure devant moi. Au lieu d’allumer la télé et de regarder les infos, j’ai pris une feuille et un stylo et j’ai commencé à écrire. Oh, rien de bien folichon n’en est sorti. Quelques phrases éparpillées de ci de là. Mais il s’est par la suite passé un phénomène assez étrange. Régulièrement au cours de l’après-midi, je me suis pris à reformuler quelques tournures dans ma tête, même à en ébaucher de nouvelles, et des idées se sont mises à jaillir dans mon esprit. Tel client aurait fait un bon personnage, la répartie de celui-ci serait une bonne ébauche d’un nouveau chapitre. Rien d’extraordinaire, entendons-nous bien, mais quelque chose était en train de naître. A peine visible, une possibilité de suite. Si bien qu’à ma pause d’un quart d’heure de l’après-midi, je me suis précipité sur ma feuille pour noter ces nouveaux morceaux de phrases. Lorsque je suis arrivé chez moi le soir, après avoir mangé, débarrassé, couché les petits (pauvre petit Cendrillon que je suis!), j’ai recopié ce que j’avais écrit au cours de la journée. Et comme j’y avais encore réfléchis entre temps, j’ai rajouté une centaine de mots supplémentaires ( une dizaine de minutes tout au plus). Résultat des courses: 350 mots et surtout, SURTOUT, une réflexion sur le sujet.

En me forçant à écrire, en me fixant une contrainte, je me suis paradoxalement provoqué une frustration que j’ai cherché à combler par deux fois dans la journée.

« Oui mais, tu as utilisé le mot « forcé », ou est donc la notion de « plaisir » dans ce que tu proposes ? »

Partons du principe que vous décidiez de jouer au tennis sans connaître aucune base, tout simplement parce que vous avez toujours voulu pratiquer ce sport. Je ne suis pas certain que les premiers entraînements seront justement une partie de plaisir. Votre œil n’arrivera pas à anticiper les rebonds, vous louperez la balle une fois sur deux et lorsque vous réussirez à la frapper, votre placement sera tellement mauvais et votre technique tellement inexistante que vous passerez les trois quart de la séance à récupérer la balle chez le voisin. Pourtant, si vous persistez, vous finirez par effectuer des coups corrects, à maîtriser votre raquette et à prendre plaisir à jouer.

Je pars du principe que l’inspiration ne tombe pas du ciel mais se travaille. Si vous attendez d’être touché par la grâce, il y a de fortes chances qu’aucune encre ne sorte jamais de votre plume. Tout ça pour dire quoi au juste ? Que le meilleur moyen d’écrire, c’est d’écrire. Même pour deux minutes, même pour une seule phrase. Alors faites-moi plaisir. Aujourd’hui, oui aujourd’hui,, vous allez prendre votre feuille et arracher minutes de votre temps à l’écriture. Même si les enfants ont été pénibles, même si vous rentrez tard du boulot, même si vous êtes frustrés, énervés, même si votre feuilleton passe à la télé ce soir. Prenez ces satanés clés et allumez le contact de votre inspiration.

Vous l'aurez compris. le principe de cette méthode consiste en une vision au long terme, un principe qui n’est pas nouveau et peut être utilisé pour toute entreprise personnelle. Quand je faisais du piano, mon professeur me demandait par exemple de jouer 10 min par jour plutôt que de travailler une heure et demie la veille du cours, cette régularité permettant une réelle assimilation selon le principe de la mémoire au long terme.

Mais cette méthode ne s’arrête pas aux domaines artistiques, au contraire. Il s’agit par exemple, du principe fondateur des joueurs de poker en ligne, combattre la variance et gérer de façon pérenne sa bankroll.

Les sports, particulièrement ceux de remises en forme, prisent également ce travail sur le long terme. Un ami accro aux salles de musculation me disait que les gens étaient surpris de constater qu’il ne consacrait que 10 min par jour aux abdos malgré ses plaquettes de chocolat. Oui mais voilà, il les effectuait TOUS les jours, avec une régularité qui frisait l’obsession. Allez sur le premier site de fitness venu et vous constaterez que la méthode est systématiquement la même. Un quart d’heure d’exercice ventre plat par jour et une alimentation équilibrée.

Maintenant, entrons un peu dans le concret et définissons pour cette première semaine quelques règles très simples, vous voulez bien ?

- Essayons de consacrer un minimum de 5 minutes d’exercices quotidien à ce nouveau projet. J’ai bien dit minimum. Ce qui signifie que si vous disposez de plus de temps et êtes inspirés, amusez-vous ! En revanche, même si vous êtes fatigué, même si vous n’avez pas envie, forcez-vous à y réfléchir. Simple, non ? Nous verrons. - Contrainte supplémentaire : ne relisez pas ce que vous avez écrit. A chaque nouvelle séance, reprenez le précédent travail afin de vous remettre dans le bain mais ne corrigez pas encore et encore les tournures de phrase. Nous sommes sur le premier jet. Le but est d’avancer, sans se retourner. Vous aurez tout le temps de façonner votre texte plus tard ! Ne pas se relire peut peut-être vous sembler un peu bizarre et même anti-productif. Après tout, il s’agit d’un travail d’écriture, non ? Or, il s’agit pour moi d’un principe essentiel, tout au moins au début d’une entreprise longue comme l’écriture d’un roman. Relire dix fois votre travail alors que vous n’en êtes qu’aux premières lignes vous donnera l’impression de tourner en rond et aura même tendance à vous décourager, car vous risquez de trouver ça mauvais. Un sentiment tout à fait naturel. Comme je vous l’ai dit, nous sommes sur le premier jet, donc normal que l’encre qui sorte de votre stylo ne donne pas immédiatement lieu à un chef d’œuvre. Tracez votre route, avancez, donnez-vous l’impression de ne pas faire du sur place. Hé ben, qu’est-ce que vous attendez ?


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